Lettre à Bell Mobilité

Sutton, 23 février 2014

Monsieur Daniel Brassard
Conseiller Services immobiliers et Relations municipales

Bell Mobilité
200, boul. Bouchard, 5CS
Dorval (Qc) H95 5X5
 
Monsieur,

Nous avons reçu votre lettre du 17 février dernier et le « Rapport d’analyse de conformité des divers niveaux de rayonnements de radiofréquence (RF) selon les normes de sécurité 6 ». Suite à cette lecture, plusieurs questions brûlantes se posent auxquelles vous ne répondez pas.
 
UN RAPPORT QUI VISE À CÔTÉ DU BUT

Si le rapport vise à établir la preuve de la conformité aux normes établies dans le « code de sécurité 6 », les preuves utilisées ne sont pas présentées de façon claire et convainquante pour le commun des mortels que nous sommes. Il ressort de ce rapport qu’il ne s’applique pas précisément à nous parce qu’il ne tient pas compte du public auquel il prétend s'adresser.  Enfin il ne répond surtout pas à la question fondamentale de l'impact des RF sur notre santé.

UNE TOUR RF AU MILIEU DU VILLAGE

Le site d’implantation anticipé par Bell est en plein milieu d’une zone habitée, étroitement entouré de maisons où vivent en permanence des familles avec enfants, parents et personnes âgées. Dès que le projet a pris naissance, nous avons manifesté à Bell Mobilité notre souci de préserver la santé de nos familles et de notre milieu de vie aussi clairement que possible. Notre pétition de 100 signatures en ce sens et la réponse fermement négative faite à votre procédure biaisée de consultation publique, remise à quelque-uns d’entre nous, a répondu haut et clair, dans les délais de réponse prévus (le cachet de la poste faisant foi) : nous avons dit NON. Cependant, nous vous invitions alors à explorer, avec la ville de Sutton, la possibilité d’autres emplacements plus sécuritaires.

Même si le rapport que vous nous avez soumis soutient que les normes du Code 6 sont réellement respectées, il faut admettre que ces normes ont été établies à la suite d’une expérimentation basée sur une exposition à très court terme. Ce qui n’est pas du tout comparable à la situation permanente dans laquelle Bell veut actuellement placer la population de Sutton Junction.

DES EFFETS LARGEMENT SOUS-ESTIMÉS

Les normes du code 6 de Santé Canada ont été établies en 1999 sur la base d’une période d’exposition à des champs de radiofréquences d’une durée de 6 minutes. Une exposition de plus longue durée n'a pas été évaluée. Il saute aux yeux des profanes que nous sommes qu'on ne peut comparer ces résultats avec les  effets potentiels des rayonnements de radiofréquences sur des organismes vivants qui y seraient exposés 24h/24, 365 jours par an, pendant de nombreuses années. La DURÉE d’exposition est certainement un facteur déterminant à considérer pour savoir à quel point le rayonnement RF est nuisible pour la santé humaine, et tout ce qui est vivant ! C’est l’écosystème tout entier qui est touché. Les ondes RF traversent tout ce qu’elles rencontrent indifféremment. Ce point fait d'ailleurs l'objet du rapport et des recommandations de l'AQLPA (Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique) dans son mémoire sur la révision du Code de sécurité 6 remis à la Société royale du Canada le 28 octobre 2013 (1).

QUELS GENRES D’EFFETS?

Le « Comité de révision du Code de sécurité 6 de la SRC » admettait déjà en 1999 dans son rapport : « Il existe un nombre toujours croissant de preuves scientifiques qui indiquent que l’exposition à des champs RF, même à des intensités de loin inférieures aux niveaux pouvant causer une élévation de température, puisse affecter les cellules et les tissus » (2).

Voici un bref compte rendu d'une étude scientifique qui s'est déroulés dans un milieu comparable à notre situation à Sutton Junction (3). Réalisée sur une période de 18 mois, cette recherche portait sur 60 personnes, dont des enfants, au moment de de l’installation d’une tour relais RF dans leur village ! Les résultats obtenus révèlent que l’exposition continue aux rayonnements micro-ondes provoque au niveau du cerveau une augmentation considérable des hormones de stress. 
 
Les niveaux de dopamine et phényléthylamine chutent sévèrement. Ces neurotransmetteurs contrôlent la stimulation de plusieurs zones du cerveau responsables du mouvement (Parkinson), la posture, l’humeur, le sommeil et sont absolument nécessaires à l’acuité cérébrale, la concentration, la mémoire (Alzheimer), la libido, entre autres... Selon les experts, ces effets sont durables et potentiellement dégénératifs. D’autres recherches à court terme ont fait état de risques sévères de dépression, de cancer, de problèmes cardiaques, auditifs, et même d’altération de l’ADN. Cette liste d'effets nocifs n’est pas complète, mais elle suffit à nous alerter sérieusement. 
 
Enfin, il existe d'innombrables études qui démontrent que les RF ont des effets sur l’être humain avec des indicateurs de nocivité scientifiquement démontrés (5)(6)

LE CODE 6 : UNE RÉFÉRENCE DANGEREUSE
 
Industrie Canada et Santé Canada s'appuient encore et toujours sur le vieux Code de sécurité 6 de 1999 pour déterminer les seuils acceptables d'exposition aux RF. Suite aux nombreuses recherches réalisées depuis les 15 dernières années en Amérique et en Europe, il ressort, sans l'ombre d'un doute que cette référence est non seulement dépassée mais dangereuse.

D'abord, elle ne tient pas compte de la durée d'exposition, et les seuils proposés sont largement trop tolérants.  À titre d'exemple, l'Association médicale autrichienne (1) affirme qu'une exposition exposition régulière de plus de quatre heures par jour devrait se situer à  ≤1 μW/m2 dans les limites normales. Or, la limite canadienne est de 6 000 000 μW/m2, ce qui apparaît plutôt inquiétant pour une exposition permanente aux RF, jours après jours, années après années. 

UNE DÉCISION MORALEMENT INDÉFENDABLE

Il est honnête de dire qu’aujourd’hui, Santé Canada ne sait pas (ou choisit d'ignorer) hors de tout doute quelles sont les réelles conséquences de ce bombardement d’ondes en continu. Et pourtant, elle autorise des entreprises comme Bell à implanter à l’aveugle des tours micro-ondes dont elle n’a pas mesuré les effets à moyen et long terme de façon satisfaisante. Une conclusion s’impose, Santé Canada ne protège pas la santé des canadiens de façon adéquate. Par contre elle favorise l’essort d’entreprises commerciales qui implantent des tours de RF dont elle reconnaît qu’elles peuvent « affecter les cellules et les tissus ».

Nous le répétons, le Code de sécurité 6 n'a pas fait la moindre preuve de l'absence de danger pour la vie humaine lors d'expositions prolongées. Avec le niveau de connaissances actuel, il devient moralement indéfendable d'utiliser le Code 6 comme norme de référence.
Nous ne sommes pas le seul village des Cantons de l’Est à refuser l’implantation d’une tour micro-ondes en milieu habité. Des municipalités comme Frelighsburg, Potton et Bolton et de plus en plus d’autres se réunissent et s’élèvent contre cette procédure arbitraire aux balises floues quant aux conséquences des radiations RF de longue durée sur le corps humain et toutes formes de vie.
EN CONCLUSION

Nous tenons plus que tout à préserver la santé de toute la population de Sutton et en particulier des enfants qui sont les plus sensibles aux rayonnements RF.

Nous tenons également à protéger toutes les formes de vie qui font la richesse et la beauté de notre paysage de Sutton et qui lui assurent sa vitalité économique.
 
Nous rappelons notre opposition au projet d'implantation d'une tour au 1111, chemin de la Vallée, à Sutton Junction. Cette opposition a déjà été formulée clairement et légitimement lors du processus de consultation.

Nous exigeons que soit appliqué le principe de PRÉCAUTION dans la recherche d'un autre emplacement plus sécuritaire et éloigné d'au moins 1000 m des habitations de Sutton Junction.
 
Nous demandons que les nouvelles normes, issues de la révision du Code de sécurité 6, soient appliquées en tenant compte des plus récentes connaissances en matière d'effets des RF sur la santé.
 
Avec nos salutations distinguées,

(signature et adresse)
 
C.C.
 
SOURCES
 
1) AQLPA (Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique)  Mémoire préparé dans le cadre de la consultation du Comité de révision du Code de sécurité 6 de la Société royale du Canada, 28 octobre 2013

2) SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA, « Examen des risques potentiels pour la santé humaine associés aux champs de radiofréquences produits par les dispositifs de télécommunications sans fil », Rapport préparé par un groupe d'experts à la demande de la Société royale du Canada pour Santé Canada. Extraits, mars 1999, ISBN 920064-68-X

3) Dr Klaus Buchner et Horst Eger, « Changes of Clinically Important Neurotransmitters under the Influence of Modulated RF Fields - A Long-term Study under Real-life Conditions”, 2011
 
4) Communiqué de presse 208, IARC-OMS “Le CIRC classe les champs électromagnétiques de radiofréquences comme « peut-être cancérogène pour l’Homme »”, 31 mai 2011

5) AFSSET, "Mise à jour de l'expertise relative aux radiofréquences", Saisine no 2007/007, Rapport d'expertise collective, "Comité d'Experts Spécialisés liés à l'évaluation des risques liés aux agents physiques, aux nouvelles technologies et aux grands aménagements", Groupe de travail Radiofréquences", octobre 2009
 
6) Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail, Radiofréquences et santé, mise à jour de l'expertise, octobre 2013